Contribution du Dr Arab Kennouche – La France de Macron et ses deux Sahel
Par Dr Arab Kennouche – Une fois de plus, la France a été visée par un attentat abject causant la mort de personnes innocentes. Frappée au cœur de l’Aude, dans cette partie du territoire français où, il n’y a pour ainsi dire pas âme qui vive, et loin du tumulte de la capitale, c’est presqu’un Sahel français à lui seul qui fait désormais écho aux macabres événements survenus ces deniers temps au Burkina Faso et au Mali, dans ce qu’on pourrait appeler le Sahel authentique.
En effet, comment ne pas voir dans cet acte criminel redondant perpétré à Carcassonne le prisme du paradoxe de la politique étrangère française depuis au moins l’affaire libyenne, qui consiste à intervenir en Afrique, au Proche-Orient, en Afghanistan et ailleurs sur le globe avec un risque énorme de déplacement de populations à risque, tout en négligeant ou ignorant ce front intérieur qui grossit paradoxalement de ses multiples opérations militaires, dont les dernières soutenues récemment par le président Macron ? N’existerait-il pas au Quai d’Orsay un ordre de priorité dans le traitement du terrorisme islamiste de Daech qui commanderait l’intérieur à une lutte implacable contre les faveurs indirectes accordées au salafisme, dit fréquentable, au lieu d’une croisade contre le terrorisme menée en Afrique et dont les résultats sont inefficaces ? Pourquoi avoir délaissé ce front intérieur au point où aujourd’hui on ne reconnaît plus l’identité française et laïque de nos banlieues qui, pour une grande part, ont basculé dans le salafisme intégriste ?
La récente tournée en Afrique de Macron semble encore avoir conforté le Président sur la pertinence d’un combat à l’extérieur de l’islamisme radical qui prévaudrait sur un nettoyage idéologique et culturel des banlieues françaises et, désormais, de ses campagnes. Pourtant, s’il existe un danger sécuritaire de première importance, c’est bien celui des banlieues radicalisées qui, maintenant, ne concerne pas quelques grandes villes françaises, mais l’ensemble du territoire national, jusque dans les coins les plus reculés du pays, comme le rappelle l’attentat de Trèbes.
L’évolution rapide de la menace terroriste en fait désormais un phénomène multiforme qui touche la campagne française, où la pieuvre islamiste s’est implantée à l’insu des autorités du pays, au nom d’une désormais inadaptée liberté de culte. Le premier Sahel, celui des Français radicalisés des 3e, 4e et 5e générations, de toute origine ethnique, est bel et bien la première menace qui pèse sur le pays, outrepassant les escarmouches du Sahel africain qui servent pourtant à invoquer un droit de préemption dans l’intervention militaire.
Le premier Sahel
Le front intérieur que Macron ne semble pas vouloir voir grossit pourtant chaque jour plus, pour deux raisons principales. Une raison matérielle qui consiste à accueillir aveuglément des milliers de migrants chaque année dont les enfants formeront plus tard, même en partie, les contingents de futurs djihadistes, par inadaptation culturelle, économique et sociale, comme le sont certains enfants d’immigrés d’aujourd’hui venus du Mali, du Niger, d’Algérie, du Maroc… Paradoxe d’une tradition française de l’asile qu’il faut attester, et mansuétude tout autant inconsciente, au vu des conditions actuelles de l’accueil des migrants dans un pays structurellement en danger économique, qui va provoquer à terme la collusion de plusieurs forces, celle d’insoumis laïcs, de nationalistes français revanchards et de forces occultes contre cette génération d’islamistes violents, née des banlieues d’un apartheid efficace qui ne dit pas son nom.
Ce front de l’intérieur a de beaux jours devant lui, tant les autorités du pays n’ont cessé d’accueillir à bras ouverts les plus grands théoriciens de l’islamisme, depuis le faux-frérisme d’un Tariq Ramadan, jusqu’aux derniers avatars du wahhabisme saoudien d’Ibn Taymiya qui coulent dans les prêches des mosquées françaises, ayant, elles, reçu en bonne et due forme leur autorisation préfectorale. Sur un plan logique, il est par conséquent difficile d’accepter l’idée d’une intervention salvatrice au Mali, alors que sur le territoire national, mille Mali sont en mesure de frapper à tout instant, surtout que les autorités du pays ne font rien pour endiguer l’arrivée passive de migrants des zones de conflits syriens, libyens, africains, afghans.
Comment combattre le terrorisme international en intervenant militairement tout en favorisant son émergence sur le plan national par des politiques d’ouverture massive aux foyers de tensions et, surtout, par une acceptation non moins généreuse des dogmes les plus pervers de l’islam politique moderne ?
Le paradoxe de l’Occident face au salafisme
Telle est la quadrature du cercle vicieux du radicalisme islamiste qui s’implante démocratiquement en Occident, tout en portant une menace grandissante dans la sécurité de ses structures économiques et sociales. Reste à savoir pourquoi ouvrir une brèche supplémentaire dans le Sahel africain, alors que les braises en territoire national sont déjà plus qu’incandescentes ? En soufflant sur les braises africaines, Macron ne se rend-t-il pas compte des flammes qui pourraient en résulter en France métropolitaine, surtout après tant d’années de laxisme ou de faux calculs politiciens qui ont conduit à miner le champ politique de l’islam en France, entre les partisans d’une intégration et ceux de sa ghettoïsation ? Car on ne peut vouloir une chose et son contraire, comme accepter chez soi l’expression du radicalisme en offrant des mosquées au premier venu d’Orient et vouloir anéantir Daech dans le Sahel africain.
Si les années Hollande et Sarkozy semblaient s’accommoder de ce mal, on en voit désormais vite les limites en France et, surtout, en Allemagne où Merkel est désormais forcée par son propre peuple de devoir éviter le mal français, celui d’un calcul politicien erroné à terme.
Que fera le président Macron ?
Le président français est désormais convoqué pour se déterminer sur ce que certains verraient comme une entorse à la politique atlantiste de la France, à son dogme libéral plus précisément. Résorber le mal chez soi en menant une véritable chasse aux sorcières à l’islamisme radical qui pullule dans les banlieues à forte minorité musulmane. Sans une réappropriation sécuritaire des zones laissées à l’abandon par les anciens gouvernements et un engagement ferme de l’Etat à combattre toute forme de déviance politique, de nature violente et terroriste, il ne semble pas que la politique de la canonnière conduite au Sahel africain fasse effet d’extincteur sur un phénomène qui, déjà, englobe des parties insoupçonnées du territoire français.
Pire, en frappant le deuxième Sahel, on finit par faire grossir les rangs du premier Sahel, en nourrissant les vagues de migrations potentielles vers ces nouvelles banlieues qui, un jour ou l’autre, se réfugieront dans l’islamisme radical face à une France de plus en plus démunie économiquement et incapable de survenir aux besoins de tous ses citoyens.
C’est peut-être ce message qu’il faut lire dans les signaux inquiétants du populisme en vogue actuellement en Europe, et que l’Allemagne tente de formaliser par une nouvelle politique migratoire.
A. K.
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