L’allusion du président Tebboune sur une action militaire de l’Algérie en Libye
Par Abdelkader S. – Dans son entretien à Al-Jazeera, Abdelmadjid Tebboune a jeté un pavé dans la mare s’agissant du dossier libyen. Le président de la République a, en effet, laissé entendre que les troupes de l’ANP étaient à deux doigts d’intervenir en Libye dans un cas particulier. «L’Algérie était prête à intervenir d’une façon ou d’une autre pour empêcher la chute de Tripoli», a-t-il affirmé à la chaîne qatarie. Et d’appuyer son propos : «Quand l’Algérie a déclaré que Tripoli était une ligne rouge, elle pesait ses mots». «Le message est bien parvenu à qui de droit», a-t-il fait savoir.
Le chef de l’Etat a, par ailleurs, expliqué que les exercices militaires effectués par l’armée algérienne ces derniers temps visent à s’assurer de l’état de préparation des forces armées pour «parer à toute éventualité». Ce qui sous-entend que l’Algérie n’exclut pas l’éventualité d’une agression étrangère. Tebboune rejoint ainsi le chef d’état-major, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, qui ordonnait aux membres de l’ANP, «du simple soldat au plus haut gradé», avait-il insisté, de se tenir prêts à affronter «jusques et y compris un ennemi classique».
Le président Tebboune, en sa qualité de chef suprême des forces armées, multiplie, à son tour, les mises en garde au moment même où une manœuvre militaire d’envergure se déroule au Maroc, au plus près de la frontière avec l’Algérie et où le Makhzen persiste dans son mensonge sur les zones concernées par cet exercice, en y incluant les territoires sahraouis occupés, dont, notamment, la région de Mahbes, située à quatre-vingt kilomètres de Tindouf. Malgré le nouveau démenti cinglant du commandement d’Africom, daté de ce 7 juin, le Maroc ainsi que certains médias, dont, étrangement, Al-Jazeera, continuent de relayer l’intox marocaine, par ignorance ou de façon préméditée. Dans un communiqué rendu public ce lundi, Africom précise bien, pour éviter toute équivoque, que l’African Lion 2021 se déroulera dans un polygone allant de la base aérienne de Kenitra, au nord, à Tan Tan et Grier Labouihi, au sud. Sont donc formellement exclues les régions de Dakhla et Mahbes.
Fin 2019, au moment où la Turquie confirmait son intention d’envoyer ses troupes en Libye et où Khalifa Haftar demandait solennellement au Président égyptien de lui fournir des forces terrestres en prévision d’une confrontation armée avec son frère-ennemi de Tripoli, Fayez Al-Sarraj, le monde guettait le moindre mouvement de l’armée algérienne qui ne comptait pas laisser éclater une guerre à ses frontières sans réagir. Al-Arabiya avait indiqué que les forces armées algériennes étaient alors «en état d’alerte maximale sur les frontières avec la Libye» et que le nouveau Président, Abdelmadjid Tebboune, avait «laissé ouverte» la réunion du Haut Conseil de sécurité (HCS) qu’il avait convoquée dès sa prise de fonctions et au lendemain de son discours d’investiture durant lequel il avait clairement signifié que l’Algérie «n’acceptera pas d’être écartée du règlement de la crise libyenne». «Tebboune veut parer à toute éventualité au vu de l’accélération des événements en Libye et de la décision de la Turquie d’envoyer des troupes pour soutenir le gouvernement d’Al-Sarraj», avait précisé la chaîne officielle saoudienne.
«L’escalade en Libye a fait bouger l’Algérie, qui partage avec ce pays la deuxième plus longue bande frontalière après l’Egypte», avait encore souligné Al-Arabiya, en indiquant que «le nouveau Président algérien s’emploie à réactiver le rôle de l’Algérie dans les dossiers régionaux après une période de léthargie qui a duré plusieurs années». «La position officielle de l’Algérie par rapport au conflit libyen n’a pas changé. L’Algérie essaye de se maintenir à équidistance de tous les belligérants, mais l’entrée en jeu de la Turquie de façon directe a poussé l’armée algérienne à mettre en place un plan d’urgence pour faire face à tout imprévu», avait, en outre, commenté la chaîne saoudienne qui faisait état d’une «mobilisation sans précédent des forces armées algériennes […] le long des frontières est de l’Algérie» et d’une «inquiétude officielle grandissante quant aux conséquences graves de toute intervention militaire sur la sécurité et la stabilité de la région».
Le président Tebboune vient de confirmer à la chaîne qatarie que l’Algérie ne bluffait pas au sujet de la Libye et que ses dernières mises en garde à l’endroit du régime monarchique de Rabat sont également à prendre très au sérieux.
A. S.
Comment (26)