Ukraine : drones iraniens et Starling de Musk s’invitent au champ de bataille
Une contribution d’Ali Akika – Drones iraniens. Souvenons-nous des trois drones du Hezbollah au-dessus de la zone gazière libanaise de Kharish qu’Israël voulait exploiter, disons plutôt voler ! J’avais écrit un article sur Algeriepatriotique où j’expliquais le fiasco de l’armée israélienne dans sa tentative d’abattre ces petits engins de fabrication iranienne. Ces engins ont pour nom Shahed, mot arabe qui veut dire à la fois témoin et martyr. Ces drones font la Une de la presse mondiale après que leur icône de Kiev s’est étranglé de colère et gelé les relations diplomatiques avec l’Iran.
La colère du président ukrainien contre l’Iran que la «grande» presse a évité de révéler la raison est due à la destruction du centre de commandement d’Odessa et de celui de la capitale Kiev. Ces deux sièges où l’armée ukrainienne préparait la reconquête de la région de Kherson qui leur ouvrirait la route vers la Crimée. Faute de montrer la cavalerie ukrainienne à la Apocalypse Now (film américain sur le Vietnam/Cambodge) à l’assaut de Kherson, les services spéciaux ukrainiens se contentèrent d’un attentat sur le pont de Crimée. On sait que les «stratèges» de la communication veulent nous persuader que la guerre «moderne» des images a détrôné L’Art de la guerre de Sun Tzu, un livre qui servirait dorénavant à décorer les bibliothèques.
Je reviendrai plus loin sur l’ineptie des Tartarins de la propagande qui confondent leurs fantasmes avec l’intelligence qui tient le gouvernail de la guerre. Ainsi, les drones iraniens efficaces et pas chers donnent des sueurs froides à Zelensky, aux Américains et aux Israéliens, pas pour les mêmes raisons. L’Ukrainien n’a pas les moyens d’empêcher les Iraniens de fournir ces petits engins à la Russie. Quant aux Israéliens, il leur a fallu faire appel aux avions F-35 puis F-16 et à la Marine pour abattre les drones du Hezbollah.
Les satellites de Elon Musk
Comme si un malheur ne suffisait pas pour calmer les ardeurs des va-t-en-guerre, voici que Elon Musk, milliardaire américain mais surtout propriétaire du fameux satellite Starling et ami de l’Ukraine, vient de doucher ceux qui rêvent d’affaiblir, briser, démembrer la Russie. Ces rêveurs ont jusqu’ici tressé des lauriers à Musk et son Starling qui fournissait Internet à l’armée ukrainienne. Les renseignements en direct de ce satellite ont permis de géolocaliser les mouvements des troupes russes, ce qui explique des pertes sévères des Russes qui ne comprenaient pas d’où venait le danger.
Nous verrons plus loin comment le danger a été éloigné et qui plus n’est pas tout à fait étranger au revirement de Elon Musk de cesser de fournir Internet aux armées ukrainiennes. Pour comprendre ce retournement de veste de Elon Musk, il faut revenir un peu en arrière et passer en revue des événements qui ont concouru à la situation actuelle qui a fait la Une de la presse mondiale. Aussi faut-il se souvenir du satellite russe détruit par un missile russe tiré par les Russes. Les Américains avaient, à l’époque, quelque deux mois avant la guerre, vivement protesté contre cette opération. Avec ce message russe, les Etats-Unis ont compris la menace contre leurs propres satellites qui ne sont plus à l’abri aux fins fonds des cieux. Le message-menace russe n’est pas non plus passé inaperçu de la part de Elon Musk.
Et la menace russe est effectivement venue sous forme d’un bouclier laser qui brouillait les communications de Starling-Musk. La riposte russe ayant eu des conséquences sur les champs de bataille, le Pentagone ne voulait plus payer la note Internet à Musk. Ce dernier proteste et réclame son argent d’autant que le Pentagone lui a trouvé un fournisseur remplaçant. Dans le monde des affaires, le dollar, nerf de la guerre, fait éclater la marmite. Ainsi, Musk, éjecté par le Pentagone, cherche, lui aussi, un client remplaçant le Pentagone. Et comme de juste, il choisit par hasard, n’est-ce pas, la Russie. Non pas que les Russes aient besoin de son Starling pour le moment et pour leur guerre. Les Russes pensent plutôt à l’avenir dans des secteurs où l’Américain peut leur ouvrir des portes.
Par les temps des sanctions qui courent, faire du marché noir dans les affaires, les Etats le pratiquent et leur permet même d’avoir une industrie nucléaire, Corée du Nord, Iran… Elon Musk, malin qu’il est, pense au long terme. Il vise la paix de demain pour éviter que la Russie n’utilise contre lui son bouclier laser. Ami avec les Russes, Musk compte, espère vendre son Starling à la Russie et autres pays qui sont dans le viseur des Etats-Unis. En temps de paix, Musk échapperait sans doute aux foudres du Pentagone au nom de la sacro-sainte loi du marché. Toute cette architecture cachée dans un coin de son cerveau, Musk en a dévoilé un petit bout. Il a accouché de deux plans de paix, un pour l’Ukraine et l’autre pour Taïwan. Musk n’oublie pas que le demain auquel il pense, la Chine sera la première puissance du monde.
Le revirement de Musk a évidemment chaleureusement été accueilli par les Russes mais a aussi étranglé de rage l’armée et le gouvernement ukrainiens. On peut supposer que Musk a réfléchi sur les risques en faisant ami-ami avec les Russes. A-t-il pensé à mettre en place un bouclier qui le protégerait des réactions des amis de l’Ukraine aussi bien à l’intérieur des Etats-Unis qu’à l’extérieur ? Au moment où je termine cet article Musk vient d’accuser la Russie de perturber le fonctionnement de son Starling au-dessus de l’Ukraine.
Vraie ou fausse info ? Invérifiable. On ne peut que déduire que Musk s’est fait beaucoup d’ennemis et la Russie n’a aucune raison de laisser un satellite espion au-dessus de ses troupes. On le voit avant même la fin de la guerre, des remous traversent l’Occident. Il n’est pas inutile de s’interroger sur les forces politiques françaises divisées sur la position de la France vis-à-vis de l’Ukraine. Grosso modo, on remarque, d’un côté, les Gaullistes, ceux du «vieux et cher pays», comme dirait De Gaulle, traduction la grande bourgeoisie nationale et en face les classes moyennes qui ont goûté aux «‘bienfaits» de la mondialisation et qui se trouvent à l’aise sous le parapluie de l’OTAN.
L’art de la guerre vu par les communicants
Les communicants partagent avec les cancres la propension à préférer consommer du fantasme que de se coltiner le réel. Car faire appel à l’imagination et exploiter son intelligence pour embrasser la complexité et l’âpreté du monde réel, c’est trop pénible et fatiguant pour des cerveaux qui avancent le nez dans le guidon. C’est pourquoi ces petits soldats de la désinformation en Ukraine ont choisi la propagande par l’image. Ce choix révèle deux choses, le mépris de l’opinion à qui on croit pouvoir faire gober n’importe quelle ineptie. Entre parenthèse, une partie de cette opinion leur rend la politesse sans être vulgaire. Ensuite se soumettre à des images filmées et produites par les services de renseignement dont c’est le rôle, c’est une démission et une ignorance crasse de la guerre. La langue française est pourtant assez subtile pour faire la différence entre l’expression «c’est juste une image» (une chose banale) et une «image juste», c’est-à-dire qui fournit une information conforme au réel et, par extension, moralement justifiée comme dans une guerre de libération. Ces «experts» devraient voir les films de J.-L. Godard qui explique la différence entre la pauvreté de l’image banale et la complexité de l’image juste par la nature et les infos qu’elle transmet.
Car l’art de la guerre implique de l’intelligence de l’histoire, de s’allier avec le temps et de cultiver une conscience de résistance. On est donc loin des phrases toutes faites telles «l’Ukraine a déjà gagné guerre» ou bien «la Russie a gagné la guerre sur le terrain mais a perdu la guerre politiquement», sous-entendu grâce à notre guerre des images. Outre leur manque de modestie, ces «experts» répètent des mots et des idées conçus et travaillés dans les officines de la CIA et du MI6 (anglais). On les a vus à l’œuvre, fixant le calendrier de Poutine, de donner des médailles de génie et de bravoure à leur chouchou d’une armée et ensevelissant l’ennemi sous un tombereau d’insultes et d’ironies à deux dinars… Ces jours-ci, les pieds nickelés de l’info annonçaient fébrilement la rencontre Erdogan et Poutine qui serait demandeur d’un cessez-le-feu. Leur explication ? Les armées russes sont en déroute et Poutine a besoin d’un répit pour refaire la santé de ses troupes.
Autre exemple, Biden accepterait de rencontrer Poutine au G20. Les «experts» oublient de dire que le président américain va et veut arracher, suppléer la libération d’une championne de basket, mère de famille arrêtée pour avoir sur elle de la drogue. Il a fallu attendre Poutine déclarant dans une conférence de presse qu’il n’a aucune raison, ni envie de rencontrer le président américain. Et Poutine eut la politesse de ne pas révéler le besoin de Biden de ramener la jeune américaine à la maison et le bénéfice escompté des voix aux prochaines élections sénatoriales au mois de novembre.
J’arrête de me punir en racontant leurs balivernes. Mais les lecteurs qui veulent savoir plus sur ces petits soldats de la propagande, peuvent lire Guy Debord, un sacré personnage qui a aidé à cerner cette caste de l’information-spectacle. Son essai porte le nom de «société de spectacle» et n’a pas pris une ride depuis sa sortie il y a quelque cinquante ans. Les «acteurs de cette société», par leurs origines sociales et leurs comportements, essaient d’imiter Les Charmes Discrets de la bourgeoisie (titre du film du grand cinéaste espagnol Luis Buñuel). Avec son essai-film Guy Debord a ôté le masque des singeries des classes moyennes taraudées par l’envie de se faire admettre dans les cercles fermés des pouvoirs. Au XIXe siècle, l’écrivain Honoré de Balzac appelait ces parvenus les «Rastignac» qui alimentent électoralement de nos jours la base sociale de la bourgeoisie numériquement minoritaire.
Pour conclure, j’ai commencé l’article en parlant des drones du Hezbollah qui avait envoyé un message à Israël qui a pris la fâcheuse habitude de tracer «ses frontières» à sa convenance. Mais avec le Hezbollah qui l’a affronté victorieusement par deux fois, Israël a cédé et le Liban va pouvoir exploiter son gaz qui va l’aider à sortir du tunnel bâti par une classe politique qui n’est pas à la hauteur des enjeux et des défis de la région.
Les drones sont une chance pour les peuples qui luttent pour se libérer. Ils ne sont pas chers et efficaces et leurs succès au Liban et en Ukraine sont une bonne nouvelle pour les peuples qui peuvent s’en ont procuré pour libérer leur terre. Je pense aux Sahraouis.
A. A.
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