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Opportunisme politique : quand les Algériens deviennent un argument de campagne

Une contribution du Dr A. Boumezrag – Chaque 17 octobre, Paris se souvient… ou croit se souvenir. Entre roses flottant sur la Seine et discours diplomatiques calibrés, la France commémore le massacre du 17 Octobre 1961, quand des Algériens pacifiques furent raflés, battus et jetés dans le fleuve. En 2025, le geste du président Macron – dépêcher un ambassadeur rappelé à cause d’une crise diplomatique – rappelle que la mémoire peut parfois se résumer à un argument de campagne habilement orchestré.

La Seine comme témoin impassible

En 1961, la guerre d’Algérie n’était pas seulement «là-bas» : elle frappait aussi au cœur de Paris. Le préfet de police Maurice Papon impose un couvre-feu discriminatoire : seuls les «Français musulmans d’Algérie» sont visés. Le FLN appelle à manifester pacifiquement. Descendent dans les rues des hommes, des femmes, des enfants – la panoplie complète des innocents.

La réponse de la République ? Rafles, matraques, tirs et pour certains, un plongeon forcé dans la Seine. La panique devient spectacle, le fleuve, cimetière. Pendant des décennies, la France se tait : pas d’enseignement, pas de reconnaissance, pas de justice.

Puis, lentement : une plaque discrète en 2001, un hommage minimaliste, et en 2021, Macron parle de «crimes inexcusables», sans jamais dire «crime d’Etat». La mémoire avance, mais avec la délicatesse d’un escargot sur une autoroute.

2025 : la mémoire au service du calcul

Cette année, la commémoration a lieu dans un contexte diplomatique tendu. Depuis avril 2025, l’ambassadeur français à Alger a été rappelé. En octobre, il est dépêché à Paris pour la cérémonie.

«Voyez comme nous sommes magnanimes !» pourrait murmurer l’Elysée en installant les caméras.

Un geste politique ou une opération de communication ? Les critiques dénoncent l’hypocrisie : célébrer la mémoire des Algériens tout en l’utilisant pour soigner l’image internationale de la France. Les roses flottent sur la Seine, les discours se suivent et se ressemblent, impeccables, politiquement corrects. Mais la réalité est limpide : la mémoire devient un accessoire dans la grande scène diplomatique.

Ironie tragique et humour noir

L’humour noir s’impose : des Algériens noyés servent aujourd’hui de décor pour des photos officielles et des déclarations. Les morts sont devenus accessoires symboliques, décor pour une mise en scène politique parfaitement orchestrée.

«Merci aux victimes d’être là pour que nous puissions briller devant les caméras», pourrait penser un attaché de presse en coulisses.

Les archives restent partiellement fermées, l’enseignement marginalise encore l’événement, et le vocabulaire politique hésite entre «répression» et «massacre». Les fleurs sur la Seine ne suffisent pas à cacher que la mémoire peut se recycler en argument électoral, soixante-quatre ans après.

Se souvenir sans instrumentaliser

La mémoire n’est pas un jouet, la commémoration n’est pas un plateau de campagne. La Seine continue de recevoir ses secrets silencieux, mais elle ne peut pas avaler l’hypocrisie.

En 2025, les roses et les discours bien tournés masquent une triste vérité : la mémoire des Algériens est utilisée pour la com’, pas pour la justice ou l’enseignement. Les familles et descendants savent que le vrai travail reste à faire : ouvrir les archives, reconnaître pleinement le crime, enseigner le drame à tous les Français.

Les leçons à tirer

Le 17 Octobre 1961 n’est pas seulement un événement algérien, mais un épisode français, un miroir de l’injustice coloniale et de la hiérarchie des vies. Il questionne l’Etat : pourquoi tant de silence ? Pourquoi une mémoire si tardivement reconnue ? Et surtout, comment éviter qu’un massacre devienne un outil politique des décennies plus tard ?

Alors oui, la France se souvient en 2025. Mais souvenons-nous : se souvenir n’est pas un argument électoral. Les roses sur la Seine et les discours soigneusement écrits ne changent rien au passé. La mémoire ne se commercialise pas. Elle exige vérité, sincérité et justice.

Qu’attendre pour demain ? Les relations franco-algériennes sont un mélange complexe d’émotion, de rancune et de com’ politique. Les gestes symboliques séduisent, mais sont souvent vides de substance.

L’histoire, elle, est tenace : elle mord, elle interpelle. Tant que la France n’assumera pas pleinement son passé, la Seine restera un miroir impitoyable. La mémoire des Algériens ne doit plus être un argument de campagne, mais une vérité inébranlable, un rappel permanent que l’oubli et l’instrumentalisation sont les ennemis de la justice et de la dignité.

Et qui sait ? Peut-être qu’un jour, la mémoire des Algériens cessera de flotter dans les discours diplomatiques pour nager enfin librement dans l’histoire, là où elle n’aurait jamais dû être oubliée.

A. B.

1 Commentaires

  1. Opportunisme politique : quand les algériens deviennent un argument de campagne.

    Je ne suis pas d’accord avec le titre puisque la thématique algérienne a toujours été instrumentalisée par les politiques français quand approchent les rendez-vous électoraux. Et même en dehors des élections, elle est toujours présente. Par intérêt. Pour leur intérêt. Elle sert la cause de certains qui sont motivés par un agenda bien précis. La classe politico-médiatique française hypocrite. L’Algérie reste un os dans leur gorge.

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