Oran : carrefour de la mafia de l’euro et de la drogue
Par Cheikh Hamdane – Chaque jour, des dizaines de cambistes au marché parallèle du boulevard Floriel Mathieu, près du consulat d’Espagne à Oran, exposent des liasses de billets aux passants. Ce phénomène a atteint aussi les villages où certains bijoutiers se sont convertis en «cambio». «N’ayez pas peur mon frère, vous pouvez acheter ou vendre en toute sécurité», dit un jeune, dans un des magasins qui pullulent, qui négociait au même moment avec un autre client le change de 900 euros. Un euro est cédé contre 190 DA. La flambée des devises est due essentiellement à la perte de la valeur du dinar, selon le vendeur. Avant les présidentielles du 17 avril, les retraits de dinars avaient triplé, et une bonne partie a été convertie en euros et en dollars, considéré par les Algériens comme une valeur sûre.
Pour freiner les retraits, la Banque d’Algérie a demandé aux banques de durcir les conditions de retrait des devises pour ne pas alimenter le marché noir. De nouvelles mesures ont été prises, notamment l’obligation faite aux clients de présenter le billet d’avion pour pouvoir retirer des devises. Mais attention, c’est une procédure qui ne devrait pas toucher les devises privées des citoyens, sinon ce serait une bombe à retardement si l’Etat tentait de faire main basse sur les devises qui ne lui appartenaient pas. Mais à Oran, où la vente et l’achat de devises se font librement depuis des années, l’euro est disponible, quelle que soit la somme demandée, selon les cambistes. «Je peux vous avoir la somme que vous voulez, il suffit de me laisser 24 heures le temps d’appeler les patrons», explique-t-il. Le marché noir des devises a encore de beaux jours devant lui. La Banque d’Algérie refuse d’augmenter l’allocation voyage, toujours dérisoire (15 000 DA par an pour chaque citoyen) et les parents n’ont pas le droit de convertir leurs dinars en devises dans les banques pour financer les études de leurs enfants à l’étranger. Ils sont obligés d’acheter des euros ou des dollars sur le marché noir. Pour se soigner dans les hôpitaux étrangers, les Algériens sont obligés de se tourner vers le marché noir. Le ministère des Finances a décidé d’interdire aux compagnies d’assurance de commercialiser des assurances pour les soins à l’étranger. Pour payer une partie de leurs marchandises en cash à l’étranger et fuir le fisc en Algérie, les importateurs achètent massivement des devises sur le marché. Il y a également la demande qui provient des Algériens qui investissent dans l’immobilier à l’étranger, notamment en France et en Espagne. Ces facteurs favorisent la prospérité du marché des devises qui est entre les mains de milliardaires très influents, selon les cambistes. «Peu importe qui ils sont, le plus important c’est que nous répondons à toutes les demandes. Plusieurs hommes d’affaires viennent au quotidien pour acheter ou vendre d’importantes sommes d’argent», dit un cambiste.
Pour le cours des devises, un cambiste affirme qu’il est fixé chaque matin par un cartel. «De l’est à l’ouest, du nord au sud, les prix appliqués sur la devise sont les mêmes», confie-t-il. C’est une mafia organisée qui détient le marché en Algérie, fortement soutenue par des influents, explique notre interlocuteur qui accuse la politique du pays qui pousse les citoyens à agir de la sorte. Enfin, le bruit court que la mafia de la drogue, qui comprend des Algériens et des Marocains agissant sous fausses pièces d’identité, investit l’argent sale de la drogue dans l’achat de l’euro. On parle même du réseau de Chelfi qui renaît de ses cendres.
C. H.
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