La Commission européenne prépare un coup tordu aux Sahraouis
Par Sadek Sahraoui – L’avocat du Front Polisario auprès de la Cour européenne de justice, Gilles Devers, soupçonne la Commission européenne de chercher le moyen d’intégrer les produits du Sahara Occidental dans les accords UE-Maroc, actuellement en discussion sans le consentement du peuple sahraoui. Dans une déclaration aujourd’hui à la presse, M. Devers a qualifié cette manœuvre sournoise de «jeu extrêmement dangereux». «Le mandat qu’ils (les responsables de la Commission) essayent de faire passer est irréaliste, contraire au droit international et engage la responsabilité de l’UE», a-t-il déclaré, dénonçant le rôle de la France qui «manipule la Commission pour bafouer une décision de justice».
L’avocat du Front Polisario a mis en garde, en outre, contre le risque de voir la Commission mener des consultations avec la population vivant sur le territoire du Sahara Occidental, constituée principalement de colons marocains, alors que la CJUE a été claire sur le fait qu’une consultation du «peuple du Sahara Occidental» est nécessaire pour que l’accord puisse être appliqué au Sahara Occidental, et non une consultation de la population y vivant. «Je profite pour dire à la Commission : attention, n’allez pas trop loin !», a-t-il ajouté. Gilles Devers a déploré dans ce contexte les manœuvres de l’Exécutif européen, qui «tente de ressusciter des groupes fantoches, créés par les Marocains, auxquels ils veulent donner un statut international pour faire d’eux des interlocuteurs».
Le 21 décembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, rappelle-t-on, rendu un jugement établissant clairement que les accords d’association et de libéralisation UE-Maroc ne s’appliquaient pas au territoire du Sahara Occidental. Dans son arrêt, la CJUE soulignait que si l’accord devait s’y appliquer, il faudrait un consentement préalable du peuple sahraoui, c’est-à-dire du Front Polisario, reconnu par l’ONU comme le représentant du peuple du Sahara Occidental depuis 1979. Quelques mois plus tard, le Conseil de l’UE accorde à la Commission un mandat pour renégocier l’accord de commerce avec le Maroc. Officiellement, pour se conformer à l’arrêt de la CJUE.
Même si le contenu du mandat est resté secret, certaines informations font état de la volonté des deux parties, UE et Maroc, de trouver un moyen de contourner cet arrêt afin de poursuivre l’importation dans l’UE de produits issus des territoires occupés, sans consulter le peuple sahraoui. Pour maître Devers, les responsables de la Commission européenne sont tout simplement en train de «remettre en cause l’autorité de la CJUE», la plus haute instance juridique de l’UE, et qui, pourtant, «a autorité sur tous les Etats, les juridictions et les entreprises» dans l’Union. Un scandale et une honte pour une institution qui passe son temps à donner des leçons de démocratie au reste du monde.
S. S.
Comment (14)