Le Canada anglophone ferme presque sa porte à l’immigration arabe
Une contribution d’Ilyes Zouari(*) – Contrairement à la partie francophone du Canada, où l’immigration en provenance des pays arabes a représenté le quart de l‘immigration totale au cours des cinq dernières années (2016-2020), le Canada anglophone continue à restreindre l’accès aux immigrants arabes, qui n’ont représenté qu’un dixième de l’immigration reçue. Et dans le même temps, le Canada francophone se distingue en étant la partie la plus sûre de la fédération, avec un taux de criminalité largement inférieur au reste du pays…
Selon les dernières données publiées par Statistique Canada, relatives au recensement de 2021, la province du Québec, qui représente la partie francophone du pays, affiche un taux de 26,9% d’immigrants en provenance des pays du monde arabe parmi le total des immigrants permanents s’étant installés au cours de la période 2016-2020, et encore présents à la date du recensement. Pour rappel, le Québec est la plus grande province du Canada, et la deuxième plus peuplée, avec près du quart de la population canadienne.
Ce taux est ainsi considérablement supérieur à celui observé au Canada anglophone (qui compte également des minorités francophones, mais dépourvues de réel pouvoir), où l’immigration originaire des pays arabes n’a représenté que 11,4% du total de l’immigration reçue sur la même période.
L’Asie, priorité du Canada anglophone
Alors que la partie francophone du Canada, qui bénéficie d’une très large autonomie en matière d’immigration permanente, continue à mener une politique équilibrée entre les différentes parties du monde, force est de constater que la partie anglophone du Canada poursuit sa politique de marginalisation de l’immigration arabe (ou encore africaine) pour se concentrer massivement sur le continent asiatique qui a été la source de non moins de 57,3% des nouveaux arrivés au cours de la période 2016-2020, hors pays arabes du Moyen-Orient.
Ainsi, et à titre d’exemple, le Québec a reçu à lui seul plus de la moitié de nouveaux résidents en provenance d’Algérie (13 975, malgré la pandémie) et autant de nouveaux résidents en provenance du Maroc (9 515) au cours de cette même période, que de nouveaux résidents égyptiens acceptés par l’ensemble du Canada anglophone (9 735). Et ce, alors que l’Egypte est de loin le pays arabe le plus peuplé, avec une population plus de deux fois supérieure à celle de l’Algérie, et près de trois fois plus importante que celle du Maroc.
Mais si le Québec gère lui-même la majeure partie de son immigration permanente, il n’a en revanche que peu de pouvoir en matière d’immigration temporaire. Une situation qui pose parfois de sérieuses difficultés, comme il a encore été possible de le constater cette année avec l’apparition d’une grande polémique ayant trait aux obstacles dressés devant un grand nombre de jeunes d’Afrique subsaharienne et de certains pays arabes, désirant effectuer leurs études au Canada. En effet, de nombreuses personnalités politiques, universitaires et culturelles québécoises se sont publiquement plaintes au cours des derniers mois du taux extrêmement élevé de refus décidés par le gouvernement fédéral, à majorité anglophone, à l’encontre de jeunes étudiants ayant déposé une demande de permis d’études à partir du continent africain, et pour lesquels près de 70% des demandes ont été rejetées en 2021 (soit près du double de la moyenne mondiale). Il est d’ailleurs à noter que les quatre pays africains ayant connu le taux de rejet le plus élevé au niveau de l’ensemble du Canada étaient des pays anglophones, à savoir le Soudan du Sud (100% !), le Liberia (94%), la Sierra Leone (92%) et l’Ethiopie (88%). De même, d’autres pays anglophones, pourtant politiquement assez proches du Canada anglophone, ont, eux aussi, essuyé un taux de refus particulièrement important, à l’instar du Ghana (82%) et du Rwanda (81%).
Le Canada francophone, partie la plus sûre du Canada
Malgré l’importance de l’immigration arabe, généralement victime de nombreux préjugés à travers le monde, et en plus d’afficher régulièrement le taux de chômage le plus faible du Canada (seulement 4,4% en septembre dernier), le Québec se distingue également en ayant régulièrement le niveau de criminalité le plus bas de l’ensemble des provinces et territoires du pays (selon une définition canadienne assez large du terme). Ainsi, et d’après les données de Statistique Canada, le taux de criminalité, qui prend en compte l’ensemble des infractions au code criminel canadien (hors délits de la route), s’est établi à 3 207 infractions pour 100 000 habitants, contre non moins de 6 004 pour le Canada anglophone (et 5 375 au niveau national). De son côté, l’agglomération très cosmopolite de Montréal, qui regroupe non moins de 4,3 millions d’habitants, n’arrive qu’à la 29e place au niveau canadien en matière de criminalité.
Le Canada francophone démontre ainsi au reste du monde que l‘immigration arabe ne menace pas forcément la sécurité, l’équilibre des comptes publics et le bien-être général de la société d’accueil, à laquelle elle peut, au contraire, être source de plus-value dès lors que certaines conditions sont respectées en amont et en aval. Le Canada anglophone, ou encore les Etats-Unis, ne semblent pas l’avoir compris.
I. Z.
Président du Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF)
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